L´amour comme attitude envers autrui
J. Sartre, L´être et le néant, S. 413ff.
Nous éprouvons notre insaisissable être-pour-autrui (l´autrui comme regard) sous la forme d´une possession. Je suis possède par autrui.
L´autrui détient un secret : le secret de ce que je suis.
Si donc je projette de réaliser l´unité avec autrui, (…) il s´agit en effet, pour moi de me faire être en acquérant la possibilité de prendre sur moi le point de vue de l´autre.
L´amour c´est une entreprise, c´est à dire un ensemble organique de projets vers mes possibilités propres.
L´amour veut captiver la ‘conscience’. (…) C´est de la liberté de l´autre en tant que telle que nous voulons nous emparer. (…) Le tyran se moque de l´amour : il se contente de la peur.
Celui qui veut être aimé ne désire pas l´asservissement de l´être aimé. (…) Il ne veut pas posséder un automatisme.
Et il arrive qu´un asservissement total de l´être aimé tue l´amour de l´amant.
L´amant veut posséder une liberté comme liberté.
Nous désirons chez autrui une liberté qui joue le déterminisme passionnel et qui se prend à son jeu.
Vouloir être aimé, c´est infecter l´Autre de sa propre facticité.
Vouloir être aimé, c´est vouloir se placer (…) comme la condition de toute valorisation et comme le fondement objectif de toutes les valeurs.
Je ne dois plus être vu sur fond de monde comme un ‘ceci’ parmi d´autres ceci, (…) je dois être (…) la condition même du surgissement d´un monde. Je dois être celui dont la fonction est de faire exister les arbres et l´eau.
Au lieu d´être un ceci se détachant sur fond de monde, je suis l´objet-fond sur quoi le monde se détache.
L´aimé est regard. (…) L´amant doit donc séduire l´aimé ; et son amour ne se distingue pas de cette entreprise de séduction.
Séduire, c´est assumer entièrement et comme un risque à courir mon objectivité pour autrui, c´est me mettre sous son regard et me faire regarder par lui, c´est courir le danger d´être-vu.
C´est sur ce terrain que je veux engager la lutte en me faisant objet fascinant.
